Une histoire d’Hirondelle – Les migrations
De tous les oiseaux, l'hirondelle est sans doute celle qui a fait la première prendre conscience à l'homme de l'incroyable phénomène de la migration.
Pourquoi cette petite bête atteignant tout juste 20 grammes ressent-elle, à la mauvaise saison, la nécessité de parcourir plus de 10000 kilomètres ? Pour réaliser cet exploit, elle utilise le vol battu, c'est à dire que ses ailes sont presque toujours en mouvement. Difficile à croire ! En effet, jusqu'à il y a 200 ans le phénomène migratoire était méconnu.
350 av. J.-C., Aristote tenait déjà ces propos et c'est ainsi que pendant des siècles, les scientifiques ont cru les hirondelles capables de passer la période hivernale, sous l'eau ou enfouie dans la vase. Toutes ces croyances reposent probablement sur le fait que les hirondelles qui se réunissent en dortoir dans les roselières et décollent très discrètement avant le lever du soleil. (À lire : témoignage de Daniel Bizet)
Vers 1780, le naturaliste Buffon, est un des premiers, dans "Histoire naturelle des oiseaux", à remettre en cause ces théories et à avancer que les hirondelles passent l'hiver dans des contrées moins froides, qui leur offre des insectes en abondance. Le baguage, preuve scientifique : A la fin du 18ème siècle, des érudits comme le moine Lazzaro Spallanzani en Italie ou encore J.L.Frisch en Allemagne eurent l'idée d'attacher des fils colorés aux pattes des hirondelles. Ils avaient ainsi inventé la technique du baguage.
Pour l'Europe, c'est Christian Mortensen au Danemark qui le premier a institué un baguage national en 1899.
On réussit ainsi à établir les premières cartes migratoires qui prouvent que les hirondelles vont passer l'hiver en Afrique. (Jean Méguin)
En France, ce seront des personnes comme Ménégaux et Bourdelles qui institutionnaliseront le baguage dès 1911.
Ce nouvel outil scientifique connaîtra un succès international grandissant et grâce à lui, les premières cartes migratoires verront le jour.
L'hirondelle figure toujours dans les listes de programmes d'oiseaux à baguer qui sont définies par le CRBPO (centre de recherche sur la biologie des populations d'oiseaux).
Bien que ses chemins migratoires soient bien connus aujourd'hui, on essaie d'en savoir plus sur la dynamique des populations et sur le comportement de l'espèce http://www.mnhn.fr/mnhn/meo/crbpo/
Pour l'Europe, c'est l'EURING qui centralise les données de baguage. Un projet mondial sur l'étude par baguage de l'hirondelle rustique est en cours.
Pourquoi migrer ?
La première réponse qui vient à l'esprit est que les hivers sont trop froids en Europe, ce qui n'est pas entièrement faux mais cette seule explication n'est pas suffisante car il existe bien des passereaux qui résistent au froid.
La raison déterminante vient du régime alimentaire spécialisé de l'hirondelle. Elle ne mange que des insectes volants qui disparaissent totalement l'hiver alors que dans le même temps, l'Afrique en regorge.
Alors pourquoi ne se reproduit-elle pas là-bas ?
Une des hypothèses vient du fait que la concurrence est rude en Afrique en période de nidification.
En effet, il n'existe pas moins de 37 espèces indigènes d'hirondelles en Afrique (La hulotte n°70 p30) sans compter les nombreuses autres espèces insectivores.
Départ pour l'Afrique
Fin septembre, les jeunes hirondelles et les adultes qui ont terminé d'élever leur progéniture se regroupent le soir en dortoir dans les roselières autour des étangs pour y passer la nuit. Les journées sont entièrement consacrées à la chasse car il faut constituer une réserve de quelques grammes de graisses ; ce précieux carburant qui permettra de traverser mer et désert.
Insolite : dans certains endroits où les roselières ont été complètement rayées du paysage (zones de culture intensives) les hirondelles sont contraintes de se rassembler dans ce qui ressemble le plus à des roselières : les champs de maïs
Jusqu'au jour où le besoin de partir devient plus fort, on les voit alors se regrouper sur les fils électriques, piaillant jusqu'au moment du signal mystérieux qui les décidera à partir : embarquement immédiat, direction : l'Afrique.
Certaines, moins décidées, stationnent encore un peu, d'autres aux nichées tardives continuent à nourrir leurs jeunes qui pourront alors les suivre. Tout en progressant, les hirondelles en profitent pour happer les insectes qui se trouvent sur leur passage. Et ce supplément d'énergie ne sera pas de trop pour vaincre le redoutable obstacle qui les attend.
La traversée de la Méditerranée sera sans pitié pour les plus faibles d'entre-elles, et en cas de gros grain, ce sera la véritable hécatombe dans les rangs de ces vaillants oiseaux.
Une fois sur les côtes de l'Afrique, il leur restera un autre obstacle non moins facile à traverser : L'immense désert saharien !
Illustration La Hulotte
Nos hirondelles passent l'hiver au Nord de l'équateur. Le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Centrafrique ; sont les pays que choisissent les hirondelles qui nichent en France (soit des distances de 5 à 7000Kms) contrairement aux hirondelles russes et anglaises qui préfèreront les pays au sud de l'équateur (soit des distances souvent supérieures à 10000Kms). Dans ces pays, elles profiteront des nombreux insectes présents (si toutefois on n'aura pas décidé de tout anéantir par des pesticides dévastateurs). Elles pourront ainsi se refaire une santé et en profiteront également pour remettre leur plumage à neuf. Le remplacement du plumage qui a lieu une fois par an chez les passereaux s'appelle la mue.
Fin janvier, un irrésistible besoin de se reproduire gagne progressivement nos migratrices ailées. Ici en Afrique, tout va pour le mieux, la nourriture est abondante, le climat agréable. Qu'est-ce qui peut bien pousser ces oiseaux à quitter ces lieux paradisiaques ? C'est probablement que depuis très longtemps, elles ont choisi l'Europe pour nicher. Ces contrées sont certes lointaines, mais là-bas, la concurrence est faible pour attraper les mouches, moucherons, moustiques et tipules qui pullulent dans les marais et les étables.
Alors, cela vaut peut-être bien la peine de faire autant de chemin, oui mais sans trop flâner, car le premier arrivé aura la meilleure place dans l'étable !
Mais les hirondelles ne peuvent progresser aussi vite qu'elles le souhaiteraient car elles suivent une zone climatologique dans laquelle il fait environ 10°. Cette température suffit pour que les premiers insectes deviennent actifs. En les attrapant, en plein vol, elles peuvent refaire le plein d'énergie. Toujours est-il que fin février, elles apparaissent sur les rives nord de la Méditerranée.
Bientôt elles seront sur le départ, elles se chargeront d’énergie pour constituer un stock de graisse pour entamer leur long voyage vers la chaleur et la nourriture abondante en Afrique.
Comment les reconnaître.