Limiter les noyades de rapaces nocturnes
dans les bassines, les baignoires et les abreuvoirs
Cette cause de mortalité méconnue est loin d'être négligeable, mais il existe des solutions simples et pratiques.
Les rapaces nocturnes doivent faire face à plusieurs menaces comme la prédation (par les chats notamment), les empoisonnements ou le trafic automobile, mais il en existe une autre souvent ignorée et pourtant non négligeable : la noyade dans des réservoirs profonds aux bords droits (bassines, baignoires, abreuvoirs pour le bétail). Près de 10 % des jeunes Chevêches d'Athéna périraient ainsi au Bénélux, et 6 % des Effraies des clochers en Grande-Bretagne. D'autres espèces (Faucon crécerelle, Chouette hulotte...) sont également concernées. Les principales victimes sont les jeunes oiseaux mais aussi les femelles adultes, surtout à la fin de la période de couvaison quand leur plumage est sale et qu'elles cherchent à se nettoyer dans les points d'eau les plus proches du nid.
Jacques Bultot, de l'association Noctua, nous donne des conseils pratiques pour limiter ces pertes très dommageables.
La quatrième cause de mortalité chez les chouettes
En Europe, la noyade constitue une cause de mortalité importante et méconnue des chouettes, notamment des Chêveches d'Athéna (Athene noctua) et des Effraies des clochers (Tyto alba). Elle arriverait en quatrième position après les chocs contre des véhicules, les causes inconnues (empoisonnements...) et la prédation. P. Lecomte estime que 20 à 25 % des jeunes Chevêches d'Athéna pourraient périr de cette façon chaque année en Belgique ! Selon les données recueillies par l'association Noctua en Wallonie, le pourcentage serait de 9,6 %, et dans une zone bien étudiée de 100 km² au nord de Charleroi, il atteint exactement 7 % (cinq cas sur 69). Aux Pays-Bas, entre 8,5 et 10 % des jeunes chevêches meurent ainsi (Stone).
En Grande-Bretagne, près de 6 % des Effraies de clochers trouvées mortes s'étaient noyées dans des abreuvoirs pour bétail.
Comment les chouettes se noient-elles ?
Les rapaces nocturnes se noient surtout dans les abreuvoirs destinés au bétail et remplis à ras bord ou en partie, mais des oiseaux ont aussi été trouvés dans des bassines, des piscines ou même des fosses à lisier. La plupart des chouettes veulent se baigner ou boire et n’évaluent pas bien la profondeur du point d'eau. Une fois tombées dans ces récipients aux parois raides, trempées, elles ne peuvent pas s'envoler, atteindre les rebords, s'épuisent et meurent. L'hypothermie accélère ou provoque la mort.
Certains pensent aussi que certains oiseaux perchés sur un rebord, prenant leurs reflets pour des rivaux, les attaquent et tombent dans l’eau.
Surtout des jeunes et des femelles adultes
La plupart des noyades ont lieu en été, et les principales victimes sont les jeunes oiseaux et les femelles adultes. En effet, durant la ponte, l’incubation et la couvaison, ces dernières peuvent devenir très sales et sont alors tentées de se baigner dans le point d’eau le plus proche du nid. Chez l’Effraie des clochers, près de la moitié des victimes sont trouvées en été, et notamment en juillet.
La perte de femelles nicheuses est particulièrement grave pour la survie d'une population donnée. Les noyades, cumulées à d'autres facteurs négatifs (trafic routier, destruction de l'habitat, diminution des sources de nourriture...), peuvent ainsi contribuer à affaiblir encore des populations locales fragiles.
Ce filet plastique placé dans un cadre en bois flottant peut limiter les noyades.
Schéma : Ornithomedia.com d'après The Barn Owl Trust
Il existe plusieurs solutions pour sécuriser les points d’eau (abreuvoirs, bassines, fosses) les plus dangereux, c'est-à-dire ceux de plus de 13 cm de profondeur situés dans un rayon de 200 mètres autour des nids actifs et/ou où des oiseaux ont déjà été trouvés noyés.
Le Barn Owl Trust conseille de placer un filet en plastique résistant fixé à un cadre flottant en bois. Lorsque les bovins, les moutons ou les chevaux voudront boire, ils enfonceront facilement cet objet flottant dans l'eau qui remontera aussitôt à la surface. Pour le réaliser, vous pouvez utiliser des lattes en bois (traitées avec des produits non dangereux), des morceaux rectangulaires de mousse, de polystyrène expansé ou des tuyaux pour assurer la flottaison (un cadre en bois imbibé s'enfoncera trop), un filet en plastique résistant, des vis et des agrafes galvanisées. Les côtés du cadre sont constitués d’une épaisseur d’élément flottant placée entre deux morceaux de bois et agrafée à ces derniers.
Il devra être plus petit que la surface du réservoir pour qu’il ne soit pas coincé si le niveau d'eau diminue.
La taille et la forme des abreuvoirs sont si variables qu'il faudra souvent placer un système flottant adapté à chacun d'entre eux. Ces flotteurs peuvent résister plusieurs années, mais il faudra les remplacer de temps en temps, surtout dans les abreuvoirs très utilisés par le bétail.
Quelques bouts de bois flottants et une bassine devient une piscine sécurisée !