Une belle journée froide mais lumineuse, après avoir consulté les observations remarquables sur le site «observation.be» je décidais de programmer une découverte du littoral en compagnie de Paulette Claerhout. Piquenique embarqué avec le matériel du ‘parfait’ naturaliste, longue-vue, appareils photos, jumelles, lainages et grosses chaussettes nous prîmes la direction de l’estacade du port de Nieuport pour fouiner tout ce qui cours et vole dans la zone.
Dès l’arrivée, nous fumes entourés d’autres espèces bipèdes lourdement chargés sortant des voitures l’indispensable matériel du parfait ornitho, avec le sourire aux lèvres de personnes convaincues de découvrir une espèce rare !
«ELLE» était bien là ! Tout en progressant sur les lattes gelées et glissantes de l’estacade, nous ne sentions déjà plus le froid perçant du gel. Au fur et à mesure que nous arrivions à la pointe du port, apparaissait une masse noire et mouvante des observateurs manipulant longue-vue et téléobjectifs. Mélangés aux pêcheurs, ce fut un vrai festival de cannes !
L’oiseau, tel une vedette était au rendez-vous.
Majestueux et tournoyant dans les airs d’un ciel bien bleu.
LA MOUETTE DE ROSS (Rhodostethia rosea),
UNE JOLIE VISITEUSE QUI NOUS VIENT DU HAUT ARCTIQUE
Visiteuse occasionnelle en Europe de l'Ouest, cette petite mouette (de la famille des laridés) est donc une pépite pour tout ornithologue.
La mouette de Ross doit son nom au navigateur et explorateur anglais James Clark Ross (1800 - 1862) qui, le premier, découvre cet oiseau en 1823 dans l’arctique canadien.
Ce laridé niche dans le Haut Arctique de la Sibérie orientale, au Groenland et dans l’arctique canadien. Il hiverne dans les mers de Bering et d’Okhotsk (Russie). Cet oiseau n’effectue donc que de courtes migrations. C’est donc exceptionnel de pouvoir l’observer sur les côtes de la mer du Nord. Pourtant, ce mois-ci, deux mouettes de Ross ont été observées sur nos côtes (Nieuport, Zeebrugge et Leffrinckoucke, près de Dunkerque).
La mouette de Ross est plus grande que la mouette pygmée (Larus minutus) mais plus petite que la commune Mouette rieuse (Chroicocephalus ridibundus). On la reconnait surtout à ses longues ailes pointues (qui, en vol, la font paraitre plus grande qu’elle n’est) et à sa queue cunéiforme.
L’individu sur les photos ci-jointes est un oiseau de 1ère année: le dessous du corps est clair. Le dos est grisâtre, la tête (dont la calotte) est blanche avec une zone sombre à l'avant de l'œil noir. Les ailes présentent des zones noires. La queue est blanche avec un bord noir limité aux rectrices centrales. Les pattes sont d’un rose foncé, aux ongles noirs. Le bec est court et noir.
Si vous êtes attentifs, vous remarquerez l’esquisse du fin collier noir (sur le cou et à l’arrière de la tête) que l’oiseau arbore en plumage nuptial.
La mouette de Ross est aussi appelée mouette rosée vu la couleur rose du dessous en plumage nuptial. «Notre»avait (déjà) le dessous légèrement teinté de rose.
Son vol est direct et élégant, avec des battements d’ailes rapides. C’est alors qu’on remarque le motif foncé en « w » au-dessus des ailes qui contraste avec le blanc pur du large bord postérieur des ailes. Ce pattern alaire caractéristique ressemble beaucoup à celui de la mouette pygmée ainsi que de la mouette tridactyle (Rissa tridactyla).
Cette visiteuse rare a, vous vous en doutez, attiré des dizaines d’ornithologues. À Nieuport, l’oiseau fréquentait les alentours de l’estacade-ouest et le chenal. Les morceaux de poisson posés sur la rambarde à son intention ont vite été repérés par notre mouette. Elle venait donc régulièrement se nourrir et ce, sans aucune crainte, alors que nous nous trouvions à moins de quatre mètres d’elle! Cet oiseau vivant toute l’année dans des régions isolées et non habitées ne connait pas l’homme, ni la chasse …
Lorsque qu’un autre laridé ou un tournepierre à collier (Arenaria interpres) s’approchait pour tenter de profiter de la nourriture, elle défendait âprement son repas par des cris rauques et assez puissants.
À chacune de ses venues, les appareils-photos crépitent, le cœur des ornithologues bat vite, le silence est de mise. Nous avons pu observer cette splendide mouette à loisir, sous tous les angles, posée et en vol, pendant plus de deux heures et ce par un temps ensoleillé avec un ciel bleu lumineux: à l’œil nu, aux jumelles, photos, vidéos… QUE DU BONHEUR!
Photos: Jean-Marie Vandelannoitte
Texte et vidéo: Paulette Claerhout