Sortie Lys-nature du 11-09-2016 : Blankaart et « De Woudezel »
Nous étions 27 au rendez-vous sur le parking de la réserve du Blankaart. Notre guide néerlandophone nous attendait. Le temps était assez doux et le ciel prometteur d’une belle journée.
Et quelle belle et enrichissante journée !
Notre guide nous explique l’historique de la réserve, la reconstruction du château après la guerre et nous donne quelques détails sur l’architecture de sa façade. Aux alentours il y avait surtout des fermes d’où la représentation sur la sculpture d’une faucille et d’une gerbe de blé. La sculpture à droite de la porte d’entrée représente quant à elle, la pêche. Plus haut sur le mur l’écusson nous montre une plante d’étang, en néerlandais « zwanebloem » et en français « butome en ombelle » appelé aussi « Jonc fleuri ». Ce dernier nom vernaculaire porte à confusion car cette jolie plante à fleur roses est une herbacée de la famille des Alismatacées. Elle n’a donc rien à voir avec un jonc. Butomus ombellatus vient du grec « bœuf » et « couper » parce que les fleurs coupent la bouche des bœufs (dictionnaire étymologique de botanique de François Couplan).
Juste assez de place pour tout le monde sur le bateau et nous voilà partis glisser en souplesse sur les eaux. L’ambiance matinale est enchanteresse et la nature s’offre à nos yeux. Quel calme…légers clapotis de l’eau, vaguelettes qui jouent avec la lumière…tout va pour le mieux et met nos sens en éveil. On profite de l’avifaune très présente en ce milieu. Des chants ou cris d’oiseaux : Bouscarle de Ceti, Poule d’eau, Râle d’eau, Canards colvert, Aigrettes, Héron cendré, Balbusard des roseaux, Cormorans, Phragmite, Mésanges à longues queues… Les explications nous arrivent en néerlandais par notre guide puis traduites par Martin qui n’oublie pas d’y ajouter son humour. On nous apprend que cette étendue aquatique n’est pas d’origine naturelle. Elle a été creusée par l’homme. Il y eut d’abord l’extraction de la tourbe. Ainsi ces espaces creusés ont pu accueillir les eaux de pas moins de 7 ruisseaux. Le tout communique également avec l’Yser. Le voyage se poursuit. Le soleil risque ses rayons sur le feuillage des arbres et nous offre une palette de couleurs changeantes.
Puis notre guide nous débarque et nous reprenons la marche à pied sur les sentiers bien secs. Il n’a pas plu depuis des semaines. Martin nous expliquera la formation de la tourbe…des adaptations écologiques à la gestion d’un domaine…jusqu’à la formidable génétique lors de l’observation d’une chenille du Sphinx du Troène.
12.00 Nous avons quittés la réserve du Blankaart, 56 Ieperstraat à Woumen pour aller à 800 mètres seulement de là à « De Woudezel », au 84 Ieperstraat.
Diderik Clarebout et son épouse Zulfija nous ont préparé un buffet végétarien exceptionnel. Tout a été confectionné à base de plantes de leur ferme. Smoothie aux fruits rouges, toasts au raifort, feuilles de sédum au pesto blanc, quiches variées, pizzas, hamburgers aux lentilles, salade avec 12 ingrédients, pains à l’épautre, pain aux orties… Le soleil est au rendez-vous. Nous sommes installés dans la cour de la ferme. Chacun découvre d’abord avec les yeux ces plats colorés qui nous mettent en appétit. Je m’amuse à regarder les mines des uns et des autres lors de la dégustation. Réactions d’étonnement, de gourmands, d’éveil, de plaisir…sûr, on goûte et on en parle…Voilà comment manger sainement et…voilà comment vivre autrement, simplement, proche de la nature mais plus proche des autres aussi. La plupart de nous se sont régalés de toutes ces couleurs, de toutes ces saveurs, de cette multitude de plantes riches en éléments nutritifs.
Le repas s’est terminé par une surprise : le jeune couple a apporté 2 grandes bassines, quelques essuies-vaisselle. On s’est tous (hum, hum presque tous…) mis à faire la vaisselle. Convivial et très amusant quand on est nombreux.
Ensuite Diderik nous a invités à le suivre pour la visite de son domaine de 6 hectares.
Pourquoi « De Woudezel » ? D’abord la traduction est « l’âne de la forêt ».Wou, rappelle que la ferme est située à Woumen. Mais il s’agit en fait d’un choix judicieux car c’est le surnom qui était donné à Paracelse. Ce personnage scientifique connaisseur en plantes a été pris pour un idiot lorsqu’il a mis en évidence que l’humain faisait partie de son environnement et que toute intervention de celui-ci avait un impact. On sait maintenant que ce précurseur avait bien raison. Et la ferme de Diderik en est un pur exemple positif.
D’ailleurs durant toute la visite notre guide nous démontre que ce n’est pas lui qui doit s’imposer à l’environnement mais qu’au contraire s’est à lui de s’adapter à son environnement. Un mot inventé par 2 Australiens s’approche de près de ce concept : la permaculture.
Pourquoi Diderik est-il arrivé à ce concept permaculturel ?
Il y a 7 ans il s’est lancé dans la culture biologique mais des problèmes de santé l’ont bloqué dans ce projet. Au repos pendant de longs mois il a eut le temps de revoir sa façon de cultiver et la permaculture s’est imposée à lui.
Pour lui la permaculture, c’est diversifier les cultures, le nombre de plantes, diversifier les activités : éducation par des visites guidées ou des cours, transformation de produits pour la vente, expérimentations, exemple per des essais de greffages, observations des plantes dans différentes conditions (même plante installée à l’ombre ou au soleil), travailler avec le climat, le sol, la nature, les animaux…
Quelques règles qu’il respecte :
Planter dans le sol existant sans le changer. Ce qui veut dire : connaître son sol pour pouvoir y planter le végétal adapté (myrtille en sol acide au bord de son étang) (asperges, sorbier domestique, olivier de Bohême sur sol sablonneux)
Exploiter ce que produit la nature. Dans son étang une plante est envahissante. Elle est récupérée pour faire une butte de plantation en lasagne avec du fumier ou utilisée sèche comme combustible dans sa serre
Cultiver un maximum de plantes vivaces. C’est ainsi que l’on trouve chez lui des plantes comestibles sauvages, habituelles mais également beaucoup d’espèces venues des 4 coins du monde. Les espèces gélives rentrent dans la serre en hiver (tomate arbustive) ou sont rendues vigoureuses par greffage sur des plantes indigènes (Aronia sur sorbier, Amandier Robijn greffé sur prunier, Aubépine mexicaine sur nos aubépines…)
Sélectionner des plantes résistantes aux maladies. Son expérience pour la culture de pommes de terre : il a planté de nombreuses variétés de pommes de terre et n’a rien récolté la première, juste suivi par étiquetage précis des variétés, pas de récolte non plus la 2ème année mais une sélection des plantes résistantes. Une fois la sélection faite, ses plants sont résistants au mildiou. Il fait la remarque qu’un plant résistant dans son sol, ne le sera pas forcément dans un autre.
Expérimenter. Beaucoup de plantes fragiles ou peu productives s’avèrent intéressantes une fois greffées ou placées dans un milieu adéquat. (Qui ne s’est pas servi sur les framboisiers « Automn fall » ? Ceux-ci très productifs profitent d’un tas de branches qui se décomposent lentement.)
Garder les mares naturelles ou les zones inondables et en profiter.
Diversifier les milieux. Par exemple avoir un milieu riche et un milieu pauvre car se sont 2 habitats écologiques différents qui auront une interaction.
Travailler dans ses cultures non par une action unique mais multiple : récolter, désherber et en même temps enrichir par exemple en déposant sur le sol le désherbage.
Design. Diderik nous explique que dans le design de la ferme il fait prévoir la suite de l’évolution de la végétation. Il crée des buttes de légumes dont il profite les premières années. Sur ses buttes il plante déjà en prévision des années futures des arbustes et des arbres. Ceux-ci formeront la forêt nourricière (chataigniers, noisetiers…) mais donneront aussi le bois nécessaire à la formation d’humus. En principe on conseille de placer du bois sous les buttes mais Diderik a observé que le placer dessus à un effet bien plus intéressant sur le développement du mycéllium.
Nourrir le sol et le garder vivant. Diderik a insisté sur l’importance de couvrir le sol en plaçant les matières organiques puis les non-organiques. La décomposition du bois qui contient la lignine va contribuer grâce au mycellium à améliorer la qualité du sol et augmenter l’absorption des minéraux et des oligo-éléments par les plantes alors que les matières organiques favorisent la vie bactérienne du sol. Bactéries et champignons vivent en symbiose pour nourrir le sol et les plantes. La couverture du sol peut se faire par mulch vivant ou non. Il n’est pas nécessaire de mulcher en couches épaisses.
Eviter de compacter le sol pour que l’oxygène arrive aux éléments vivants qui participent au bon fonctionnement du sol.
Le semis ou la plantation de légumineuses qui ont la particularité de fixer l’azote atmosphérique dans le sol enrichit sont important aussi. (haricots, petits pois, Arbre à petits pois, Galéga,Fève,Luzerne alffa…) Sans oublier d’éviter de compacter le sol. (Luzerne alfafa : restaure le sol, le reconstruit, le décomprime car il possède des racinse pouvant atteindre 14 mètres de long)
Prendre l’énergie quand elle passe, c’est par exemple cueillir quand la plante est au mieux de sa forme.
« Quand tu es permaculteur, tu changes ta façon de manger, tu changes de régime alimentaire et tu changes ta façon de vivre. »
Quelques conseils en vrac : planter près des fruitiers de l’absinthe. Toujours associer les fruitiers à une astéracée et une ombellifère.
Dans le régime alimentaire dissocier les fruits des légumes. Manger beaucoup de crudités. Celles-ci contiennent déjà des enzymes et leur digestion ne demande pas l’intervention des enzymes de notre tube digestif. Ce qui donne immédiatement de l’énergie.
Plantes particulières : Aronia greffe sur sorbier, Yacon (racine sucrée), arbre à épinards, tomate arbustive, cornouillers divers dont cornus kousa chinensis (fruits comme lichees), roquette sauvage, petits pois de Sibérie, pommier « Kattekop »,haie de tilleul taillés pour profiter de jeunes feuilles (salades), néfliers greffés sur aubépines (fruits dès la première année), rubanier rameux(racine source d’amidon), pêche greffée sur prune Saint Julien, pêche des vignes, tétragone, mauves sylvestre, sarrazin, chardon Marie, aubépine mexicaine…
Ce fut une excellente visite guidée. Chacun se souviendra d’un petit truc à mettre en pratique dans son propre jardin ou dans sa cuisine.
Nous nous sommes retrouvés dans la cour de la ferme pour déguster une bonne glace avec un coulis aux fruits rouges et boire un café ou une tisane. Nous avons félicités et remerciés ce jeune couple hors du commun, pour leur accueil, les bons mets et leur engagement pour un meilleur monde.
Merci encore à Diderik et Zulfija !
La permaculture, tout le monde en parle, mais personne ne sait vraiment de quoi il s’agit. Une branche radicale de l’agroécologie ?
Une nouvelle tendance New Age ?